Gilets Jaunes à Bordeaux: la justice annule l’enquête !!

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Gilets Jaunes à Bordeaux: la justice annule l’enquête !!

En décembre 2019, seize personnes soupçonnées de préparer des actions violentes lors d’une manifestation des « gilets jaunes » sont mises en examen à Bordeaux. La chambre de l’instruction vient de trancher : la perquisition qu’elles ont subie était illégale, toute l’enquête est annulée.

Qualifiés de tous les noms ces gardés à vue ont fait les Une de la presse. Le 7 décembre 2019, seize personnes, âgées de 25 à 45 ans, sont arrêtées dans un Airbnb du Bouscat, (Gironde), juste avant l’acte 56 des manifestations de « gilets jaunes ». En perquisition, les policiers découvrent de l’acide chlorhydrique, du bicarbonate de soude, des clous, des bombes de peinture. Une enquête est ouverte, les seize personnes sont mises en examen.

Moins d’un an et demi plus tard, le dossier vient de s’effondrer. Dans un arrêt, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux ordonne en effet « l’annulation de l’ensemble de la procédure » et « la mainlevée des mesures de contrôle judiciaire ». Elle considère qu’au regard du droit, « les conditions des interpellations, des placements en garde à vue et de la perquisition effectuée n’étaient pas régulières ». C’est-à-dire qu’elles étaient illégales. La cour d’appel donne ainsi raison aux avocats des mis en examen. 

L’affaire commence par de simples tags. Dans la nuit du 6 au 7 décembre 2019, une patrouille de police découvre des inscriptions « Acab » (« All cops are bastards » en anglais, soit « Tous les flics sont des bâtards ») sur une enfilade d’immeubles du Bouscat,. La patrouille juge probable que ces tags soient le fait d’un « homme seul à vélo ».

Mais dès le matin du 7 décembre, la machine s’emballe quand un commissaire divisionnaire obtient du parquet l’ouverture d’une enquête de flagrance. Il invoque des courriers anonymes de menaces reçus par des policiers ailleurs en France, courriers que le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, a publiquement dénoncés.

Sur la foi d’un renseignement anonyme, le commissaire divisionnaire ajoute qu’un « groupe de black blocs » occuperait un appartement à 1,5 km du lieu des tags. Ils « pourraient » donc, selon lui, « être les auteurs des dégradations et outrages commis au cours de la nuit et seraient également membres d’une association de malfaiteurs constituée en vue de commettre des exactions » contre des policiers. 

Le périmètre de l’enquête est élargi avec de nouvelles qualifications pénales, passibles de prison, les policiers peuvent investir l’Airbnb, placer ses occupants en garde à vue et commencer leur perquisition. La justice vient pourtant de déclarer cette opération de police abusive, compte tenu de la nature réelle des faits et faute d’indices suffisants pour les relier entre eux. 

« C’est sur la foi d’un simple renseignement » que l’affaire a commencé, constate la chambre de l’instruction. Si l’on peut soupçonner qu’elle provient d’un service de renseignement, aucun élément concret n’a été versé au dossier, certains procès-verbaux évoquant des « informations classifiées » pour ne pas rentrer dans le détail. Sur le plan judiciaire, écrit la présidente, le lien entre les tags et les occupants de l’appartement reste donc « une simple conjecture, corroborée par aucun élément objectif »

Compte tenu de ces vices de départ, l’arrêt disqualifie toute l’enquête. « Les éléments découverts au cours de la perquisition litigieuse n’étaient pas susceptibles de conférer a posteriori un caractère régulier à des mesures hautement coercitives commencées en méconnaissance des conditions exigées par l’article 53 du code de procédure pénale dont le respect était le préalable nécessaire », justifie la chambre de l’instruction. Conséquence : tous les actes d’enquête sont annulés.

On ne sait pas si le parquet général de Bordeaux se pourvoira en cassation pour contester l’arrêt de la chambre de l’instruction.

« Cette décision représente un revers majeur pour les donneurs d’ordre de la perquisition », estime l’un des avocats qui a contesté la régularité de la procédure.

À l’époque des faits, le directeur départemental de la sécurité publique de Gironde Patrick Mairesse s’était félicité de la réussite de son opération. Les syndicats policiers lui avaient emboîté le pas. Pour le syndicat Alliance (majoritaire en Nouvelle-Aquitaine), cette enquête démontrait que les seize prévenus, des « militants Black Blocks, liés à la mouvance anarchiste », voulaient « casser du flic » lors des prochaines manifestations. Le syndicat réclamait alors « la plus grande fermeté » à l’encontre de ces « délinquants » n’ayant pour objectif que de « tendre vers l’insurrection ».

Sur Twitter, le syndicat des commissaires de police SICP adressait ses « félicitations aux enquêteurs de la police nationale de la Gironde pour cette très belle affaire ». Le syndicat y voyait « une preuve supplémentaire du climat délétère et dangereux qui pèse sur les policiers » et trouvait « étrange que certains chantres des violences illégitimes, ne parlent pas, avec la même intensité, de cette affaire ».

« Ce qu’il s’est passé est très grave. Cela devrait nous amener à réfléchir sur cet emballement policer et judiciaire contre les gilets jaunes, au mépris de l’État de droit », réagit aujourd'hui un avocat et rappelle que « nous sommes dans le cadre d’un procédure importante, qui a mobilisé des moyens importants et qui a eu un impact sur la vie des gens. L’un des prévenus a fait de la détention provisoire dans cette affaire ».

« Le prévenu que je défends m’a expliqué que les policiers sont entrés dans l’appartement en étant sur-équipés, avec des fusils d’assauts, des casques, etc. », ajoute l’avocat. « Il descendait l’escalier pour aller déjeuner et a vu un laser rouge pointé sur lui. Les seize personnes ont ensuite été allongées face contre le sol, avec un genou sur la nuque, un fusil braqué sur les têtes. »

Comme le signifie l’arrêt de la cour d’appel, les policiers n’avaient en réalité même pas le droit de pénétrer dans cet appartement.

Sources: Médiapart

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