Le cri des jeunes :  à 20 ans, on veut vivre, pas survivre ! 

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Le cri des jeunes :  à 20 ans, on veut vivre, pas survivre ! 

La crise sanitaire, qui a exacerbé une précarité déjà criante, les a heurtés de plein fouet. La réponse de Macron ? Une mesurette, le « REJ » (revenu d'engagement pour les jeunes), quand il faudrait à la jeunesse un plan à la hauteur de ses aspirations.

La grande enquête de l’Ifop auprès des 18-30 ans le dit : le niveau de bonheur des jeunes s’écroule. Pourtant, ils estiment que la vie a beaucoup à leur offrir...

Morgan a 21 ans. L’âge de tous les possibles, normalement. Sauf que l’horizon du jeune homme est aujourd’hui bouché. Sans boulot, sans revenu, il en est réduit à vivre au jour le jour. « Je travaillais dans la restauration. Je ne roulais pas sur l’or, mais je pouvais payer mon loyer, manger, sortir. Avec le Covid, tout s’est arrêté. J’ai perdu mon emploi. J’ai tenu quelques mois sur mes maigres économies, car je n’ai pas droit à des aides. J’ai fini par rendre mon studio, car je ne pouvais plus payer les charges. Depuis, je suis hébergé à droite, à gauche. J’ai quand même passé quelques nuits dans ma voiture. »

Comme beaucoup, ce jeune Normand venu à Paris en espérant trouver un emploi survit grâce aux associations et à leurs distributions alimentaires. « À 20 ans, on veut vivre, pas survivre », lâche-t-il, amer.

L’Observatoire des inégalités indique que, en 2002, 8,2 % des 18-29 ans sont pauvres, contre 12,5 % en 2018, soit une progression de plus de 50 % !

Si la crise sanitaire a principalement frappé les plus âgés, la crise économique et sociale qui la suit affecte en premier lieu les jeunes. En réalité, elle a révélé la grande précarité des moins de 25 ans. Dans son dernier rapport, paru en septembre, l’Observatoire des inégalités indique que, en 2002, 8,2 % des 18-29 ans sont pauvres, contre 12,5 % en 2018, soit une progression de plus de 50 % ! « Les jeunes adultes constituent la tranche d’âge où le risque d’être pauvre est le plus grand et pour qui la situation s’est la plus dégradée en quinze ans », note l’Observatoire.

Obligés de sauter des repas

Épiceries solidaires, maraudes, distribution de colis alimentaires sont autant d’illustrations de la précarité des jeunes, qui s’est accentuée en nombre et en intensité depuis la crise sanitaire. « À Lyon, pendant le confinement, 4 000 étudiants ont fréquenté les épiceries sociales et solidaires, et 95 % d’entre eux étaient inconnus de ce réseau », notait ainsi Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et rapporteur de plusieurs avis sur l’insertion et les droits des jeunes, dans le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le logement.

Un quart des 24-35 ans déclarent vivre dans l’insécurité des découverts bancaires, soit 10 points de plus que l’ensemble des Français.

Samia, 23 ans, en est la parfaite illustration. Étudiante à Marseille, elle a perdu son job dans une enseigne de prêt-à-porter en mars 2020. « Les quelques heures que je faisais me permettaient d’aider ma mère, chez qui je vis avec ma petite sœur. Ma mère s’est retrouvée au chômage partiel; du coup, c’était difficile », résume-t-elle de façon pudique. Elle avoue avoir eu « parfois un peu faim ». « Heureusement, une association étudiante livrait sur le campus des colis chaque semaine. J’en bénéficie encore une fois par semaine », confie-t-elle.

Selon le dernier baromètre de la pauvreté du Secours populaire français, 34 % des moins de 35 ans sautent des repas. Autre enseignement de cette étude : « Affectés par les cours à distance, la fin des jobs étudiants ou celle des missions d’intérim », un quart des 24-35 ans déclarent vivre dans l’insécurité des découverts bancaires, soit 10 points de plus que l’ensemble des Français.

Une solidarité familiale mise à mal

« Comme d’habitude, ce sont les plus vulnérables qui ont été les plus exposés », rappelle la sociologue Patricia Loncle, coauteure de l’ouvrage « Une jeunesse sacrifiée ? », pointant notamment les « inégalités entre générations ». « Au sein d’une même génération, les inégalités sociales demeurent très fortes. Avec la crise, par le biais de l’enseignement à distance, de l’accès à Internet, du fait de bénéficier d’une chambre à soi, etc., ces inégalités se sont renforcées. »

Depuis l’après-guerre, la protection sociale repose en effet sur la solidarité de la famille. Sauf qu’avec la crise sanitaire, elle n’a pas pu fonctionner partout. Les familles modestes n’ont pu répondre et de nombreux jeunes se sont retrouvés démunis.

D’après les données récentes de la Fondation Abbé-Pierre, 25 % des moins de 25 ans n’ont pas d’emploi.

« Les politiques sociales ont pourtant un rôle primordial à jouer en matière de lutte contre les inégalités, poursuit Patricia Loncle. Mais du fait de la suspicion d’un “assistanat” potentiel des jeunes, l’accès aux droits sociaux leur est refusé pour valoriser leur insertion professionnelle, alors même que le marché du travail est dégradé. » Sachant que même le diplôme ne garantit plus l’accès à un emploi, notamment de qualité. Aujourd’hui, un jeune trouve son premier emploi en moyenne à 27-28 ans. Dans les années 1990, c’était aux environs de 22 ans. D’après les données récentes de la Fondation Abbé-Pierre, 25 % des moins de 25 ans n’ont pas d’emploi.

Une situation aggravée par la ­pandémie, comme le montre une étude de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), parue le 16 septembre dernier, et intitulée « Comment la situation des jeunes sur le marché du travail a-t-elle évolué en 2020 ? » : au plus fort du premier confinement, au mois d’avril, parmi les moins de 30 ans, les embauches ont chuté de 77 % sur un an et le nombre d’inscrits à Pôle emploi a augmenté de 36 %.

Entre fin 2019 et fin 2020, le nombre de jeunes inactifs a crû de 2,4 % : la durée en études s’est allongée (+ 0,2 année en moyenne) et le nombre de jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation parmi les 16-29 ans s’est accru de 4,6 %.

Une exception française

Mais alors que les chiffres prouvent l’ampleur de la précarité de cette catégorie de la population, le gouvernement continue à suivre la même logique, en refusant notamment l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans. Une spécificité française : dans la quasi-totalité des pays européens, les jeunes peuvent bénéficier d’un revenu minimum dès 18 ans.

« Les dispositifs qui existent proposent des petits fonds. Ce sont des aides fragmentées, sans compter qu’elles dépendent en grande partie des départements. Et là aussi, il y a de fortes disparités territoriales », précise la sociologue.

C’est d’une véritable stratégie de lutte contre la pauvreté dont les jeunes ont besoin, qui leur garantisse « l’accès aux droits fondamentaux que sont un revenu suffisant et un logement pérenne ».

Le gouvernement s’est gargarisé d’avoir versé en décembre 2020 une prime de 150 euros à 1,3 million de jeunes en situation précaire. Mais rien pour les moins de 25 ans, qui ne bénéficient d’aucun dispositif, d’aucune aide. « Et quand bien même, combien de temps vit-on avec 150 euros ? » interroge Samia.

La garantie jeunes ? Si elle assure une formation et une allocation aux 16-25 ans pendant un an, elle laisse encore trop de jeunes sur le bord de la route du fait de sa limitation dans le temps et elle ne garantit pas l’accès à d’autres droits.

Comme le rappellent toutes les associations de solidarité, c’est d’une véritable stratégie de lutte contre la pauvreté dont les jeunes ont besoin, qui leur garantisse « l’accès aux droits fondamentaux que sont un revenu suffisant et un logement pérenne », ainsi que le martèle la Fondation Abbé-Pierre.

Pour rappel, en 2020, note la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), 74 % des adultes vivant chez leurs parents n’avaient pas les moyens financiers de vivre dans un logement indépendant et subissaient majoritairement la situation. Parmi eux, 42 % étaient étudiants, 30 % occupaient un emploi et 19 % étaient au chômage.

Ulysse Guttmann-Faure fondateur de l’association Co’p1.

Ulysse Guttmann-Faure, CO'P1 : « Notre association comble un trou de la solidarité 

Nous avons lancé notre association à la rentrée 2020 en réaction à la crise sanitaire. Quand vous avez une amie qui vous dit qu’elle ne s’est pas lavée depuis trois jours parce qu’elle n’a pas de quoi s’acheter un gel douche, cela pousse à agir.

En un an, nous sommes passés de 6 étudiants de l’université Paris-I à près de 600 bénévoles agissant sur 30 sites d’enseignement supérieur à Paris. Nous distribuons des denrées alimentaires et des produits hygiéniques, mais nous mettons aussi en relation des étudiants avec les entreprises afin de trouver des stages.

Nous comblons un trou dans la raquette de la solidarité en aidant des étudiants. Assez rapidement, des associations comme le Secours populaire français nous ont aidés. La Ville de Paris a même mis à notre disposition des moyens financiers mais aussi un local et une voiture.

Et, pour rassurer les étudiants qui n’osent pas venir demander de l’aide, nous levons des barrières avec une organisation horizontale où chacun intervient comme il le souhaite. D’ailleurs, un tiers de nos bénéficiaires sont eux aussi des bénévoles.

Alexandra Chaignon  Article publié dans l'Humanité


 

Publié dans Jeunesse

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