Le groupe Lactalis ciblé par les agriculteurs en colère !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Au cœur des préoccupations ce jour, les contrats imposés par la multinationale, qui « asservissent les éleveurs, et poussent certains à travailler à perte ». © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Au cœur des préoccupations ce jour, les contrats imposés par la multinationale, qui « asservissent les éleveurs, et poussent certains à travailler à perte ». © Emmanuel Clévenot / Reporterre

 

Au cri de "Lactalis prédateur", 200 agriculteurs occupent le siège du géant laitier à Laval, en Mayenne.  Le siège de Lactalis a été envahi par des paysans en colère du fait que les contrats imposés par la multinationale « poussent certains éleveurs à travailler à perte », dénonce la Confédération paysanne.

 

À trois jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, près de 200 agriculteurs et une dizaine de tracteurs ont convergé vers le siège du numéro 1 mondial des produits laitiers, Lactalis. Jamais la multinationale basée à Laval n’avait connu un tel envahissement en près d’un siècle d’existence. Rapidement, sous les regards ébahis des salariés et de la direction, les drapeaux de la Confédération paysanne ont flotté par dizaines dans les bâtiments.

 

Les manifestants, venus de Sarthe, du Maine-et-Loire, de la Manche ou même d’Ariège. Vincent Guillet, éleveur bio était présent. Il vend son lait à Lactalis depuis près de 40 ans. S’il est là aujourd’hui, c’est pour défendre l’avenir de sa fille qui lui succèdera : « Le prix fixé par Lactalis au début de l’année est inférieur à celui de 2023. Et pendant ce temps-là, le montant de l’assurance et des charges grimpent. Ce n’est plus possible ! D’autant qu’en grande surface, notre lait est vendu trois fois plus cher. »

 

Une manifestante ne mâche pas ses mots : « Lactalis est un véritable prédateur. » Les contrats imposés par la multinationale « asservissent les éleveurs, et poussent certains à travailler à perte ». La direction du syndicat a demandé à être reçue par l’un des actionnaires. Refus!Quelques hommes en costume regardent la scène. Une éleveuse les interpelle : « Il est où votre patron ? Il a pris la fuite ? Il aurait pu nous offrir un bon lait chaud quand même. »

 

Avec un chiffre d’affaires dépassant les 28 milliards d’euros en 2022, Lactalis est le n°1 français de l’agro-alimentaire. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

 

Le géant laitier début 2024, a fixé le prix du millier de litres à 405 euros, avant de l’augmenter à 420 euros sous la pression des blocages. Mais c'est un montant encore bien inférieur à ce que paient d’autres laiteries. C'est la preuve ultime de l’inefficacité de la loi Égalim censée protéger la rémunération des agriculteurs, aux yeux des manifestants que beaucoup dénonce comme une arnaque. La Confédération paysanne exige, elle, une revalorisation immédiate à hauteur de 500 euros (soit 50 centimes le litre).

 

Dans la matinée, le Premier ministre Gabriel Attal pointait justement du doigt « les fraudeurs » de la loi Égalim : « Les contrôles se multiplient, et les sanctions seront au rendez-vous. » Il promettait un nouveau projet : « On ne peut pas accepter qu’un industriel conclue un prix avec un distributeur avant de se retourner vers le producteur pour lui imposer celui-ci. »

 

Laurence Marandola, porte-parole du syndicat, accueille ces propos avec hostilité : « L’urgence est là, et elle ne peut pas attendre l’été. En deux semaines, il peut s’en prendre à Écophyto [qui vise à réduire le recours aux pesticides]. Pourquoi on ne pourrait pas se doter d’une loi protégeant le revenu des paysans dans le même laps de temps ? »

 

Elle réclame l’interdiction de tout achat de produits agricoles en dessous du prix de revient. Autrement dit, l’instauration d’un prix minimum couvrant le coût de production, la juste rémunération du paysan et sa protection sociale.

 

Trois seigneurs et des sujets révoltés

 

Le conflit concernant le lait s'élargit. La veille, un camion-citerne de la multinationale a été intercepté près de Vesoul (Haute-Saône). Une action commanditée par la Fédération départementale des producteurs laitiers. Alors que l’engin s’apprêtait à clore sa collecte dans les fermes voisines, une trentaine d’éleveurs l’ont immobilisé avant d’en extraire le lait pour le distribuer aux paysans locaux pour nourrir les veaux.

 

Le président de la Fédération départementale des producteurs de lait, Michaël Muhlematter, a expliqué le mobile de cette action : « Avec ses marques comme Président, Lactel, Roquefort Société et Galbani, Lactalis se comporte comme un seigneur, en donnant ce qu’il veut aux producteurs, sans aucune négociation possible. »

 

L’antenne haut-saônoise de la FNSEA, a accusé le leader mondial laitier de « bafouer la loi Égalim », avant de réclamer que les « enquêtes de la répression des fraudes sur les pratiques de Lactalis et des distributeurs soient rendues publiques » avec « des sanctions ».

 

Des perquisitions ont été menées au siège du groupe, dans ses bureaux parisiens et chez son président. Avec un chiffre d’affaires dépassant les 28 milliards d’euros en 2022, Lactalis est le no 1 français de l’agroalimentaire, devant Danone. Et il est désormais sous le coup d’une enquête du Parquet national financier pour fraude fiscale aggravée et blanchiment de fraude fiscale aggravée. Les faits s’étendraient de 2009 à 2020.

 

Toujours dans l’attente d’une entrevue, les éleveurs chantent « Lactalis nous met à poil ! » Un homme s’applique à énumérer la poignée de milliardaires détenant la totalité des actions du groupe : « Il y a Emmanuel Besnier, sixième fortune de France, son frère Jean-Michel et sa sœur Marie. C’est tout, insiste-t-il, les yeux écarquillés. Et ce trio détient 36 milliards d’euros. Un éleveur bovin mettrait 2 millions d’années à récolter une telle somme. Leur déconnexion est fulgurante ! »

 

Laurence Marandola renchérit : « La direction fait preuve d’un mépris absolu. Elle fait mine de découvrir la souffrance des éleveurs. » La porte-parole précise que les principaux actionnaires n’ont pas accepté d’échanger. Emmanuel Besnier lui, se mure dans le silence !

 

Sources : AFP - Reporterre - Confédération paysanne

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