Robert Badinter, artisan de l'abolition de la peine capitale, est mort

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Robert Badinter, artisan de l'abolition de la peine capitale, est mort
 
 
Cet homme politique fut également avocat, écrivain, président du Conseil constitutionnel et sénateur. Il s'est éteint à l'âge de 95 ans.
 
 
Fabien Roussel secrétaire du Parti Communiste Français et député du Nord, lui a rendu hommage en ces termes :
 
 
Robert Badinter semblait être ce roc insubmersible au service de la défense des valeurs de notre République. Son combat contre la peine de mort est inscrit à jamais dans l'histoire.
Notre pays perd un de ses grands hommes.

 

Robert Badinter est connu pour son engagement contre la peine de mort. Une obsession qu'il portera d'abord dans les tribunaux en plaidant pour la vie de ses clients, puis devant le Parlement où il arrache en 1981 l'abolition de ce qu'il nommait "notre honte commune".

 

Sa vie n'est pas que le combat contre la peine de mort. Il a consacré sa vie à lutter contre les injustices. Cet engagement naît dans sa jeunesse, confronté à l'antisémitisme. Né en 1928 à Paris, il a des parents juifs issus de Bessarabie. Arrivés en Fraznce, ils sont naturalisés français. L'arrivée d'Hitler au pouvoir bouleverse la famille. "Mon enfance a pris fin le 10 mai 1940", raconte Robert Badinter. 

 

La tribue part à Lyon, alors en zone libre. Un souvenir amer pour lui. "J'étais révolté par le spectacle de cette ville ruisselante de pétainisme. C'était bien pire qu'à Paris. Dans la capitale, la plupart des Parisiens attribuaient leurs souffrances aux Allemands. Les Lyonnais, eux, étaient plus enclins à incriminer les juifs, surtout étrangers. Il régnait une atmosphère avilissante, d'une médiocrité inouïe, marquée par l'adoration pour un vieillard comme le Maréchal qui incarnait un passé glorieux. (...) C'était une époque d'une grande bassesse."

 

Le 9 février 1943, son père est arrêté à Lyon dans une rafle organisée par Klaus Barbie. Il est déporté et meurt au camp de Sobibor en Pologne. "... nous n'étions plus en sécurité à notre domicile, car mon père avait des papiers d'identité sur lesquels était indiquée notre adresse. Nous avons fait notre sac et sommes partis nous réfugier chez des amis". Robert Badinter trouve refuge avec son frère et sa mère à Cognin (Savoie). Muni de faux papiers, il parvient à suivre une scolarité normale. Malgré l'angoisse due au sort de son père  "... nous baignions dans une atmosphère apaisante. Cognin était pour nous comme une sorte de cocon protecteur au milieu de la tempête de l'Occupation." En septembre 1943, les Allemands remplacent les Italiens : la menace plane de nouveau sur les familles juives. Mais la population ne joue pas le jeu des nazis. "En se taisant, en nous accueillant, les Cognerauds nous ont sauvé la vie".

 

A 16 ans, "fou de bonheur", le jeune homme vit la Libération. Il suit alors des études de droit et devient avocat au barreau de Paris. Il devient aussi professeur de droit dans diverses universités et se marie en 1966 avec Elisabeth Badinter. Ils auront trois enfants. 

 

Son combat contre la peine de mort débute en 1972. Philippe Lemaire, avocat pénaliste et ami, lui demande de venir l'épauler dans la défense de Roger Bontems. L'homme est le complice de Claude Buffet dans la prise d'otages de la centrale de Clairvaux et le meurtre d'une infirmière et d'un gardien, en 1971. Malgré sa défense, Roger Bontems est guillotiné en 1972. "C'était la première fois que je défendais un homme qui encourait réellement la peine de mort et j'ai probablement découvert là ce que cela signifiait comme intensité et comme angoisse, confie Robert Badinter. "Souvent, au réveil, à l'aube, je recherchais obsessionnellement ce qui faisait que nous avions échoué. Ils ont reconnu qu'il n'avait pas tué : pourquoi est-ce qu'on l'a condamné à mort ?" "Dorénavant, je combattrai la peine de mort de toutes mes forces, aussi longtemps qu'il le faudra. L'abolition devient un but, une cause première."

 

Ce combat va s'incarner dans une autre affaire, celle de Patrick Henry qu'il va gagner. En 1977, l'homme est jugé pour l'enlèvement et le meurtre du petit Philippe Bertrand, âgé de 7 ans. L'opinion publique réclame la peine maximale. La plaidoirie est mal engagée. Pour sauver son client, Robert Badinter décide de faire de ce procès celui de la peine de mort. Il va plaider 1h 30, il rappelle aux jurés l'atrocité de cet acte mais aussi son peu d'utilité : "Si vous le coupez en deux, ça ne dissuadera rien ni personne". Patrick Henry est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il échappe à la peine de mort !

La victoire de François Mitterrand en 1981, propulse Robert Badinter dans la politique. C'est le hasard qui le conduit place Vendôme. "Ce n'est pas moi que François Mitterrand avait choisi en mai 1981, mais Maurice Faure. N'aimant pas ce ministère, il a démissionné deux mois plus tard, après les législatives. Je lui ai succédé et c'est ainsi que j'ai soutenu le projet de l'abolition à l'Assemblée, puis au Sénat." Le 17 septembre 1981, il se présente devant l'Assemblée nationale et présente son réquisitoire. La partie est ardue : 63% des Français sont opposés à son abolition.  Robert Badinter prononce un discours marquant. Extrait : "Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées." Contre toute attente, il emporte l'adhésion des sénateurs qui a pourtant une majorité de droite. "Il était 12h50, le 30 septembre 1981, quand le Sénat a voté l'abolition".

 

Lors de son passage au ministère de la Justice, il va supprimer les juridictions d'exception, la possibilité pour les justiciables de former un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ou du développement des peines non privatives de liberté. En 1982, avec Gisèle Halimi, il supprime le "délit d'homosexualité" institué par Vichy. Et puis, il généralise les parloirs sans séparation et autorise la télévision en cellule.

 

En 1986, Mitterrand le nomme président du Conseil constitutionnel. Il y siégera pendant 9 ans. C'est lui qui posa les jalons de la fameuse QPC (question prioritaire de constitutionnalité), qui permet à tout justiciable, partie à un procès, de contester une disposition législative qui lui paraît contraire à la Constitution.  Ce nouveau droit est du à la révision constitutionnelle de 2008. "Pourquoi ne pas reconnaître au citoyen la possibilité de soulever, dans le cadre d'un procès, une exception d'inconstitutionnalité contre une loi dont le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi ?", écrit-il, y voyant "un progrès de la démocratie". Le projet créant l'exception d'inconstitutionnalité est voté en 1990 par l'Assemblée mais rejeté par le Sénat. "Parmi les opposants, on comptait alors 2 jeunes députés pleins d'allant – Nicolas Sarkozy et François Fillon", rappelle Robert Badinter. Il conclut : "Il demeure que vingt ans ont été perdus parce que les assemblées, particulièrement le Sénat, étaient hostiles à tout renforcement des pouvoirs du Conseil constitutionnel."

 

Robert Badinter sera sénateur, de 1995 à 2011. Il a aussi œuvré toute sa vie pour la réinsertion des détenus. En 2000, comme sénateur, il crée une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.

 

Il occupe aussi diverses fonctions à l'international, notamment la présidence de la Commission d'arbitrage pour la paix en Yougoslavie dans les années 1990. Il travaille sans relâche malgré son âge. En 2016, il remet à Valls un rapport sur le droit du Travail qui ne le grandira pas !

 

Son combat contre la peine de mort reste le cœur de son engagement "J'ai eu une carrière d'avocat et d'enseignant très heureuse, mais rien ne se compare en tension, en angoisse et en émotion. Rien sauf la guerre elle-même." 

 

Sources : France Info - BFM TV - Divers infos

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