Résolution de l'ONU pour un cessez-le-feu, Netanyahou, furieux, condamne Washington
Les États-Unis n’ont pas opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu à Gaza et la libération immédiate des otages israéliens. Reste maintenant à savoir si Israël va respecter les vœux de la communauté internationale.
Après cinq mois de guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, pour la première fois et sous les applaudissements, une résolution exigeant un « cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan » à Gaza, qui a démarré il y a quinze jours. Les États-Unis, qui avaient par trois fois opposé leur veto à des textes formulant cette exigence, ont été contraints de s’abstenir.
Les quatorze autres membres du Conseil de sécurité ont donc voté pour cette résolution devant « mener à un cessez-le-feu durable » et qui « exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages ». Le Conseil de sécurité, par cette motion, « souligne la nécessité urgente d’élargir le flux d’aide humanitaire et de renforcer la protection des civils dans toute la bande de Gaza et réitère sa demande de lever tous les obstacles à la fourniture d’une aide humanitaire à grande échelle ».
« Cette résolution doit être appliquée. Un échec sera impardonnable », a réagi le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres après l’adoption par le Conseil de sécurité d’un texte exigeant un cessez-le-feu immédiat.
C’est une première - les États-Unis ayant jusque-là toujours imposé leur veto - qui résonne comme un espoir. Il est cependant bien fragile alors qu’Israël a annoncé, sans attendre, son intention de poursuivre sa guerre. L’administration américaine, elle, a aussitôt tenté de minimiser la portée de son changement de pied, le président en campagne, Joe Biden, cherchant à se concilier un électorat de plus en plus remonté contre les massacres à Gaza tout en maintenant son soutien à Israël.
Le texte serait ainsi « non contraignant » selon l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU. Pourtant de telles résolutions sont autant d’éléments du droit international, qu’Israël bafoue déjà allégrement, il est vrai. Dernier exemple en date : le rapport de Francesca Albanese, rapporteure de l’ONU, qui affirme qu’il existe de « motifs raisonnables » de croire à des « actes de génocide » à Gaza.
Malgré tout, pour mettre un terme à cette guerre qui a déjà provoqué la mort de plus de 32 000 Palestiniens, des civils pour l’essentiel, la prise de position du Conseil de sécurité est un symbole important.
Mais il doit plus que jamais s’accompagner d’actes. La fin des livraisons d’armes (une centaine en provenance des États-Unis depuis le 7 octobre), la révision des accords d’association avec Israël, l’application de sanctions… des leviers indispensables que la France s’honorerait à défendre.des retraités pour leur pouvoir d’achat.
Le bureau du 1er ministre israélien, Netanyahou, a immédiatement dénoncé la résolution et l’attitude de Washington. « Ce retrait nuit à la fois aux efforts de guerre et aux efforts visant à libérer les otages, estime-t-il, parce qu’il donne l’espoir au Hamas que la pression internationale leur permettra d’obtenir un cessez-le-feu sans libération de nos otages. »
Le texte adopté lundi 25 mars est le résultat du travail des membres non permanents du Conseil, qui ont négocié tout le week-end pour éviter un nouvel échec. L’ambassadeur algérien, Amar Bendjama, particulièrement actif, s’est félicité : « Depuis cinq mois, le peuple palestinien souffre terriblement. Ce bain de sang a continué trop longtemps. C’est notre obligation d’y mettre un terme. Enfin, le Conseil de sécurité prend ses responsabilités. »
Une revendication mondiale
Cette résolution est l’aboutissement d’une semaine marathon où les États-Unis ont infléchi leur position. Le soutien inconditionnel apporté à Israël devenait difficile à tenir pour Joe Biden en cette année électorale. Il fallait faire un geste afin de pouvoir continuer à envoyer des armes.
Il y a quelques semaines, dans l’État du Michigan, lors de la primaire démocrate, il avait fait face à une fronde de plus d’une centaine de milliers de sympathisants qui s’étaient abstenus ou avaient voté blanc pour protester contre le soutien de la Maison-Blanche à Israël. Plus largement, l’exigence d’une trêve est devenue une revendication mondiale, pour faire cesser ce que la Cour internationale de justice (CIJ) qualifie de « risque de génocide », qui a déjà fait au moins 32 000 morts.
L’administration américaine devait également préserver ses alliés arabes, sous pression de leurs opinions publiques remontées et atterrées chaque jour un peu plus en regardant les images des chaînes satellitaires d’Al Jazeera ou d’Al Arabiya.
La normalisation en cours entre l’Arabie saoudite et Israël est indispensable pour les projets économiques et énergétiques américains tels que dévoilés lors du sommet du G20, qui s’est tenu en Inde, en septembre dernier. Le Maroc, le Bahreïn, le Soudan, le Bhoutan et les Émirats arabes ont déjà franchi le pas. Mais cette normalisation saoudienne a été stoppée ou plutôt suspendue par l’attaque du 7 octobre.
Une manœuvre habile de Pékin et Moscou
Mercredi dernier, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, s’est rendu au Moyen-Orient avec un mot : cessez-le-feu. Il annonçait qu’une résolution allait être déposée en ce sens devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Il précisait même : « Nous avons en fait soumis une résolution, qui est à présent devant le Conseil de sécurité, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat lié à la libération des otages, et nous espérons vivement que les pays la soutiendront. »
Las, le texte a fait plutôt l’effet d’un pétard mouillé. Car, en réalité, celui soumis par les États-Unis notait seulement « la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de tous côtés, permettre la fourniture de l’aide humanitaire essentielle ». Pas d’appel, pas d’exigence.
Le premier ministre israélien avait affirmé, quelques jours auparavant, que les « pressions internationales exercées par ceux qui veulent la fin de la guerre sans que les buts ne soient atteints » n’aboutiront pas, que ses troupes entreront dans Rafah et que la guerre se poursuivra « jusqu’à la victoire totale ».
Mais la tentative des États-Unis a échoué. La Russie et la Chine ont mis leur veto en expliquant justement que le Conseil devait « exiger un cessez-le-feu ». Dans le même temps, un nouveau texte circulait, élaboré par les membres non permanents du Conseil de sécurité avec l’idée non pas d’isoler les États-Unis mais, au contraire, de les associer en leur permettant, au minimum, de s’abstenir.
Une manœuvre habile car, après les déclarations de la semaine dernière d’Antony Blinken sur un cessez-le-feu, il aurait été suicidaire de mettre son veto. Le premier ministre israélien ne s’y est pas trompé. Quelques heures avant le vote, il a fait savoir que la délégation israélienne qui devait se rendre à Washington pour discuter d’une éventuelle opération à Rafah ne se déplacerait pas si les États-Unis n’utilisaient pas leur veto. Le chef du gouvernement israélien, dont la survie politique dépend de la guerre, a donc décidé de ne pas envoyer sa délégation aux États-Unis et choisit le bras de fer.
La résolution sera-t-elle respectée ?
Ce vote du Conseil de sécurité de l’ONU a coïncidé avec l’annonce par Israël de la suspension de toute coopération avec l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, qui coordonne toutes les aides dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
Peu après la décision du Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a écrit sur son compte X : « Les combats à Gaza doivent cesser maintenant. Les otages doivent être libérés. Et nous ne devons pas perdre de vue la situation dans son ensemble. Une issue durable au conflit israélo-palestinien ne peut venir que d’une solution à deux États. » Une façon de rappeler que cette résolution, si elle doit effectivement permettre un cessez-le-feu, doit être le tremplin pour une nouvelle phase, celle d’un règlement politique définitif, qui doit se traduire par la création d’un État de Palestine dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Dans un entretien téléphonique avec Netanyahou, le 24 mars, Macron a exprimé « l’intention de la France de porter au Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution pour appeler à un cessez-le-feu immédiat et durable et poser les bases d’un règlement politique durable du conflit ». Ce qui nécessite avant tout le respect de ces résolutions.
Visiblement, Israël n’entend pas s’y conformer. Quelques heures après le vote de la résolution, le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, n’a pas manqué de la condamner. « Nous allons détruire le Hamas et continuer à nous battre jusqu’à ce que les derniers otages rentrent chez eux », a-t-il déclaré.
D’où la nécessité d’accentuer la pression sur Tel-Aviv, au risque de voir les institutions internationales et le droit rangés au rayon des accessoires inutiles.
Pierre Barbancey Article publié dans l'Humanité
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